J'ai mis ma parka mon ciré
Tout en avalant un café
Donné la pièce à la gardienne
Et mon congé chez les Dardenne
J'ai descendu la rue Lepitre
Le soleil se levait à peine
La brume enrobant les poubelles
Montait du sol comme une haleine
Il va se clore là ce chapitre

Je suis planté sous l"abribus
Mon vieux sac jeté à mes pieds
J'attends le huit
Qui va à Mercille

Où je change pour le terminal.
Deux gamines d'à peine seize ans
Cigarette entre les lèvres
Ont la gueule creuse du petit jour
Et puent pire que la fumée
De l'usine d'à côté

Je me souviens des cigarettes
Du coup de bambou
Du paquet rassurant et mou
Garantissant l'écœurement
Mais ce matin je suis content
De partir sans avoir la peine
De cette stupide nausée

Un rai de soleil s'est montré
Passant sur le toit des fabriques
Il pousse la brume sur le givre.
Brillant, le bitume s'éveille.
Du fond de la zone s'approche
Un bus luisant de cruels néons
C'est le nôtre
Car sur son front clignotant
Je lis :“8“, et : "Saint Auban"

Merde, il est plein.
Je rentre dans la populace chaude
Suintante de propre dégueulasse
Je pose mon sac sur les pieds
D'un jeune type roux
Qui sent Brut de Fabergé
Je suis plaqué contre un dossier
Où trône, permanente mauve
Un matrone rengorgée
Dans les virages je suis frotté
Au pardessus d'un vieil arabe
Suintant des relents de kebab
De gomina fade, de laine rêche
Et ma main, serrant la barre grasse
Glisse sur une autre sortant du tas
Ouf, c'est Mercille
Pardon, pardon, je descends là
Pschutt, je suis désenclavé

Je rentre à Bristogne,
Claire m'attend
Je vais voir les enfants

Ma mission est finie :
Je suis content.