(…) C’était en Ardèche, dans la maison de famille de D. Une vue extraordinaire et rare. Un escalier de pierre entouré de vieux murs en lichen. Une terrasse. Une dégringolade de vieux champs en terrasse abandonnées. Des lignes de pierres accumulées jusqu’au fond du lit d’un gros torrent, fond très profond d’une ravine encombrée de ronces et de cadavres noirs de châtaigniers gelés. Torrent bruyant de rage, coincé entre les mamelons dodus de deux grosses collines en forme de généreuses fesses vert-de-gris, de genets, de bruyères et de lianes, vergers abandonnés, pâturages des chèvres à demi sauvages. En face, l’échappé belle d’une vaste vallée qui s’en va vers le Rhône en serpentant solitaire entre des amas de montagnettes à fromages, rudes et piquantes. Forêts, bois, hameaux fumants, route déserte le long des usines en friche, noires laves, basaltes géants, tourbillons imaginaires dans les gouilles aux eaux mortellement bouillonnantes.Sur cette terrasse de pierres sèches, très précisément sur cette terrasse, il avait fait demi-tour avec sa vieille deux chevaux rouillée et fildeférisée. Un éclair comme mille dans une journée, inexplicable, et qui ne s’est pas effacé. Vingt ans déjà.