Chère cousine Plotine,

depuis que j’ai lu ta lettre de tantôt (ici), je suis obligé de t’avouer que moi aussi je fréquente les forums, ou plutôt les fora comme tu le dis si judicieusement.

Après avoir un peu lu pas mal de conneries ici et là, j’ai pensé que je pouvais moi aussi publier des textes. Je me suis inscrit depuis quelques mois sur www.toutalego.com.

En plus de lire, maintenant j’écris.

Je n’aurai jamais cru que c’était possible. Bête comme je suis ! Mais je dois reconnaître qu’on ne m’a pas trop fait d’histoire. J’ai été accepté immédiatement, au moment même où j’ai posté ma candidature. J’ai fais comme tout le monde : j’ai pris un pseudonyme : Banane. Ça sonne bien non ?

J’ai pris ce nom de guerre en hommage au Festin Nu de William Burroughs dont je dois t’avouer que je n’ai lu que les deux premières pages. Tu m’en avais fait cadeau pour l’anniversaire de mes douze ans (ça date un peu). Toutefois ces quelques lignes m’ont énormément marquées ; et surtout la première phrase “Il était banane et malade” (je cite de mémoire. La reliure du 10x18 m’a explosé dans les mains la dernière fois que j’ai voulu l’ouvrir, toutes les pages se sont mélangées en tombant par terre, et j’ai été obligé de le balancer).

A l’époque, je n’avais pas encore expérimenté les substances hallucinogènes. Vers 20 ans, j’ai fais une autre tentative : j’ai réessayé de le lire après avoir tiré sur un bon gros shilum de Mazarisharif (tu sais la bonne, bien noire que l’on peut pétrir dans ses doigts comme une boule de pâte à modeler et qui grésille quand on tire sur le pétard; mais ça ne se trouve plus de nos jours, à cause des Talibans probablement). C’était encore pire que la première fois : cette phrase inaugurale de ce bouquin super dur à lire dansait devant mes yeux et j’ai été incapable de poursuivre car ce simple mot de “banane” me faisait rire aux larmes pendant des heures.

Ah ! la ! la ! Le monde n’est plus ce qu’il était avant ! (les points d’exclamations sont pour toi, je sais que tu adores ça). C’est normal que les employés de banque aient pris le pouvoir avec leurs brushings, leur gourmettes gravées “Nicolas” et leurs gonzesses qui n’envisageraient pas de vivre sans avoir une piscine. Je te le dis : c’est la faute des Talibans. Je sais, tu vas encore dire que je suis trop digressif (néologisme accepté?) ; donc je reviens à nos moutons.

Je suis allé sur www.toutalego.net. pour me faire des amis.
Je me disais naïvement qu’entre gens de plume, entre hommes et femmes de lettres, il ne pouvait y avoir qu’une complicité respectueuse : eh bien non ! être lu par des écrivants c’est encore pire que d’être lu par les gens de sa famille : ils ne pensent qu’à se moquer. Un peu comme si tu demandais au cuisinier du restaurant “Chez Marcel”, plat du jour 9 € et menu ouvrier à 13€50, 1/4 rouge et café compris, de donner son avis sur la nouvelle cuisine. Je ne dis pas ça pour me moquer de Marcel qui est un copain ; et en plus, comme tu le sais, personnellement je préfère nettement prendre la formule plutôt que la carte et je déteste les restaurants guindés qui de toutes façons sont trop chers pour moi. C’est donc seulement une image pour te faire comprendre.

En fait de gens de plume, on est tous comme des volatiles, des pintades qui tournent en hurlant dans une improbable basse cour.(tu vois, j’ai appris deux trois trucs quand même ; comme d’utiliser le mot “improbable” qui ne veut pas dire grand chose mais qui fait très chic. Je progresse.).

J’ai toujours l’impression de ne pas comprendre la même chose que les autres. Mais peut-être que je suis comme le belgican qui part en vacances et entend à la radio qu’il y a un fou qui roule à contresens sur l’autoroute et qui fait remarquer à sa femme que ça fait bien une heure que lui n’arrête pas de croiser des fous qui roulent à contresens.

Nous, sur www.toutalego.com, on a un monsieur très malpoli (mais c’est un genre qu’il se donne, il est brave sous sa rude écorce) qui s’appelle Censor, et plusieurs autres (des Messieurs et des Dames d’âges plus ou moins mûrs, comme nous) qui font office de milice disciplinaire. On aurait pourtant pu s’attendre (le sais il eût fallu dire : nous eûmes pourtant pu) à ce qu’entre gens d’âge mûr, on trouve une discrète courtoisie. Eh bien non ! ça ne présage rien de bon pour quand on sera en maison de retraite.

Bon, a leur décharge, il faut reconnaître qu’ils se confient beaucoup. Par exemple j’ai appris qu’il y en a plein qui se font du thé tout le temps et qui mettent des diffuseurs de parfum pour se calmer avant de s’endormir. Ils ne cachent rien de leur intimité. C’est courageux.

Au début, j’ai cru que c’était une sorte d’humour qui m’échappait. J’ai l’habitude car, comme tu le sais, je ne comprends pas toujours très bien les blagues. Mais là je me pose de sérieuses questions. Je fais des rêves inquiétants. Il me semble que je suis l’objet d’une sorte de conspiration. Je crois qu’il y a un groupuscule de sadiques péremptoires qui veut me faire publier chez Albin-Michel de force ; et j’ai l’impression que ça tourne au vinaigre un peu comme quand Dame Nature se réveille dans un film de Miyazaki. Je sens bien que la parano n’est pas loin.

Pour ce qui est des autres écrivants, Il y a GrosPétard (il est sympa), Jetemerde (un ancien punk devenu prof de français qui est facho sur l’orthographe et qui fait lui même pas mal de fautes), Douceur (qui fait des critiques de salôôôôpe, genre “tu dois avoir besoin de magnésium” ou “vas faire un tour dans la forêt et relit ton texte à tête reposé après” ou “bof” (avec un smiley qui rigole). Mais si tu demandes ce que ça veut dire, elle ne te répond jamais.

Il y en a un (Contrejour) qui à été édité sur du vrai papier une fois et qui a gagné le concours de nouvelles organisé par le comité d’entreprise EDF (mouvance FO) de la Région Nord Pas de Calais. Il répond à tout et à tout le monde par des messages interminables (je me demande s’il n’y a pas un double sens qui pourrait choquer dans ce mot “interminable”). Il ne ménage pas sa plume (son clavier doit être tout usé) pour expliquer comment il a réussit ses deux exploits. D’abord, il a décidé d’écrire son roman d’un seul coup, comme on arrête de fumer (enfin il paraît). Il était à ce moment là dans un avion. Le fait d’avoir pris sa décision d’un coup au dessus des nuages, semble avoir une très grosse importance pour lui. Mais quand je lui ai posé franchement la question de l’importance que ça avait, il ne m’a pas répondu.

Il y a aussi Selles_dures_02 qui n’arrive à écrire que dans ses W-C et détaille tous les inconvénients occasionnés par cette manie dont il ne parvient apparemment pas à se guérir.

Il y a encore “Alarecherchedutempsperdu” qui nous reproche de lui faire perdre son temps.

Bon, globalement, a part les deux trois que je t’ai cités, ils sont tous sympa. Mais je me fais du soucis pour moi parce que je vois bien que je n’ai pas un niveau suffisant, que je pose des questions tellement idiotes, que je fais des blagues tellement mal-t-à-propos, et que je ne m’intègre pas convenablement au groupe. Mais ça m’a toujours fait ça, même quand je suis parti avec “Vacances Studieuses” par l’association “Going to England” en terminale au Lycée ; je perdais tous les concours de celui qui se ferait le plus de nanas dans les boums.

Quand même, j’aime bien.

Je suis toujours un peu désolé par les appels pathétiques lancés par de juvéniles anges à l’orthographe hilarante, parfois créative, qui se font bâcher par une horde de vieillards cacochymes à l’âge où la recherche de la personnalité fait que la moindre remarque désobligeante (à plus forte raison justifiée) provoque de violentes poussées d’herpès. Ils ne restent pas pour se faire torturer bien longtemps. Sauf ceux évidemment qui sont endurcis dès la première enfance par la pratique d’un sport de compétition, d’un instrument de musique classique au Conservatoire, ou pire encore, par des cours de danse de ballet (pas la danse du balais, la danse de ballet). A chaque fois qu’il y en a un qui disparaît, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer tous les vieux dans leurs fauteuils roulants qui ricanent de plaisir en faisant pipi dans leurs couches. Mais j’ai trop d’imagination ; on me le reproche souvent.

Le ponpon, c’est Narbah. Celui là, je le connais bien. C’est mon oncle (oui, notre Tonton Flingueur). C’est lui qui m’a poussé à écrire (“tu vas être excellent dans le genre comique”) et c’est à lui que j’ai confié ce texte pour qu’il te le fasse parvenir. Il m’a dit qu’il fréquente le même Fora (ou Forum, je ne sais plus) que toi. Il m’a promis qu’il le ferait en toute discrétion. avec un drôle de sourire. Méfie-toi de lui, c’est un hâbleur et un traître ; un escroc. Il étale une fausse érudition qu’il collecte au fur et a mesure de ses besoins sur wikipédia. cela ne l’a pas empêché de dire un jour que l’Albatros était une œuvre de Tchekov et la Mouette une pièce de Baudelaire. Pour rattraper son soit disant “lapsus”, il dit que ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

J’étais obligé de passer par lui car je n’ai pas ton mail et que je ne suis pas inscrit sur “Vos Écrits”, qui, disons-le tout net, est beaucoup trop intellectuel pour moi. Je m’adresse à toi parce que j’aurai besoin de quelques conseils. Tu veux bien m’aider ? Je veux m’incrire prochainement sur www.atouslesgouts.net. C’est le nieveau au dessus.

Tu peux tenir compte du fait que maintenant j’ai compris. Je ne pense plus de mal de personne et il ne faut absolument jamais, tu m’entends : jamais, que tu répètes à qui que ce soit ce que je viens de te dire. C’est un tel danger de publier sur toutalego.com, une prise de risque énorme. C’est aussi pour ça que je prends bien soin de mettre en exergue (ils adorent ce genre de mots là bas) que “toute ressemblance…”

Salut Cousine, on se tient au jus ?
Ton neveu affectueux,

Gaspard

Avertissement par mesure de prudence afin de ne pas être accusé de plagiat ou d’usage frauduleux de marque commerciale déposée : À ce jour (26 avril 2010), aucun site du nom de www.toutalego ou www.atouslesgouts.net n’ont été trouvés sur le web (dans aucune extension). Une bonne idée pour un(e) éventuel(le) exploitant(e). Pour les déposer : http://www.gandi.net

Le texte à été ôté, mais les commentaires sont restés ici