C'est une affaire de résistance, d'argent, de sordides intérêts. La sorcière dansait sur le carrelage blanc. Je me suis vu alors, dans l'éclair d'une lucidité brutale, pauvre homme privé de tout, enfermé dans une armoire. J'ai laissé tout devenir dégueulasse, le carrelage est sale et la sorcière, vilaine vieille femme, avait des seins tristes et flasques. Ses incantations morbides étaient des phrases entières de banalités répétitives, irritantes comme une séquence interrompue au milieu d'un mot et cent fois recommencée. J'étais tendu et me taisais. La sorcière s'est mise à casser des objets un à un. Une lampe, un vase, une assiette, etc. Tout cela dans un calme inquiétant. Je m'étais juré de ne pas broncher. Puis elle a commencé un chant rauque et sauvage plein de gros mots. L'abat jour de la cuisine est tombé sur le carrelage. J'étais inquiet pour les enfants. Je savais qu'ils entendent tout de là haut. Mais comme les sorcières n’existent pas !
Cependant j'étais décidé à résister. Ce sabbat inattendu avait tout de l'hallucination. Mais la créature m'a attaqué avec un tournevis et j'ai eu peur. Elle s'approchait de moi l'écume aux lèvres, les insultes ruisselaient sur son menton comme de la bave.

Puis, son regard a plongé dans le mien et elle a ricané sourdement en provoquant à la façon des prostituées : “vas-y, cogne-moi“.

Je l'ai fais. Mais elle s'était déjà écroulée au sol. Je suis nul pour donner des coups. Je ne sais pas faire. Finalement, j'ai jeté un seau d'eau par terre sur elle, ce qui l'a chassée. En partant, elle avait l'air contente. Cette macabre cérémonie avait dû lui plaire. J'ai ensuite nettoyé le carrelage blanc et pleuré.

Mon sang froid est détestable : il peut être agréable à certain que je sois capable de le perdre. Voici une chose que j'ai apprise ce soir. Une odeur de souffre rode encore dans la maison. Les enfants pleurent mais la sorcière reste tapie et prête à l'attaque. Elle ne cède jamais, ne pardonne jamais.

Le vin blanc est sa potion magique.