En tous cas, je jure devant Dieu que c'est comme ça que ça s'est passé.

Je n'avais pas prévu le coup. Je cherchais une machine à laver d'occasion, une machine à laver la cervelle pour être précis.
On trouve tout sur internet, un peu comme dans le temps dans un grand magasin parisien, un grand bazar ouvert aussi le soir, où je suis parfois entré pour voler un bénar ou me payer une vendeuse du rayon cosmétique.

J'étais jeune alors, il faut me pardonner.
Je ne me souviens plus très bien de la motivation qui motiva ma pulsion.
Je suppose que j'étais un peu égaré.
Je ne me rappelle pas non plus quel moteur de recherche ni quel mot taggé j'ai bien pu taper.
A un moment, j'ai vu clignoter quelque part dans une fenêtre ce truc bizarre, ces deux vocables accouplés avec indécence et qui m'ont intrigué les sens : “Vos écrits“.

Tiens, me suis dit à moi même, comme on dit ; comment peut-il y avoir là “mes écrits“ puisque je n'y ai rien mis ?

Mais au moins ils sont polis puisqu'il me disent “vous“, à moi qui tutoies tout.

A moinsse qu'ils se seraient trompés ? Comment-est-ce possible ou pas ?

Alors —car je suis un type compatissant et ami de l'ordre— je me suis derechef re-dit qu'il fallait que j'écrivâsse avec des subjonctifs imparfaits, et qu'après tout faire là où on vous dit de faire n'est pas une honte même pour un cador.

ÉCRIRE…

comme la terre est basse,
grasse, crasse, impair et passe
l'avenir qu'il advienne
ce qui doit avenir
Et tout ce qui m'était à venir m'est advenu
comme dans un vague souvenir de poète médiéval.

Écrire au moins une petite connerie, pour empêcher ces gens de mentir ainsi effrontément aux yeux de tout le monde. Ce fût ma première idée de canon. Écrire un truc du genre impossible comme le célèbre Raymond :

“Loin du temps, de l’espace, un homme est égaré,
Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore,
Les naseaux écumants, les deux yeux révulsés,
Et les mains en avant pour tâter le décor
— D’ailleurs inexistant. (…)“

Et je me suis dit, tant pis ; si ce n'est pas payé.

J'aime bien être volé, ratiboisé et pillé par de pauvres gens sans défenses
Par des soudards connaisseurs en rapines
Et c'est à cœur perdu
Que je me suis vendu
Z'à vos âmes
Rimant en déraison
Rendant mes armes et me vendant pour rien
A ce qui, peut-être, n'étais
Qu'un tas de bons à rien.

J'aurai voulu protester, contre ce délit de penser publier “mes écrits“ sur “vos écrits“ ; et puis je me suis dit à nouveau comme la fois d'avant que tout ça c'est du vent. Mais il avait aussi que peut-être si j'allais voir là dedans
Dans ce grand bazar du hasard
Qu'il y aurai comme une sorte de bibliothèque de Babylone où seraient recensés tous les textes possibles de l'univers. J'avais entendu parler d'un truc de ce genre au détour d'une nouvelle écrite par un argentin aveugle dont je ne parviens pas à me re resouvenir, non plus comment c'est son nom, ni comment je l'ai rencontré.

Donc, je suis entré.

Tout de suite, je suis tombé amoureux de Plotine. Vous êtes trop jeunes pour vous souvenir d'elle.
Mais ceux qui s'en souviennent savent que c'était celle qui aimait qu'on la pelote pendant qu'on la taquine. Ah ! Plotine, troll de mon cœur transi, qu'est tu devenue mon amie ?
Elle aimait les chiens
Dois-je avouer que d'elle,
C'est à peu près tout
Ce dont je me souviens
Disons presque que dalle !

En tout cas, c'est à cause d'elle que je me suis fait avoir. Elle faisait chier tout le monde, et moi, misérable roquet, j'essayais d'être à sa hauteur. Et puis elle est partie,
Me laissant à mes pleurs

Et alors j'ai pensé comme le grand Raymond (ou le Petit Robert, ou le Grand Alexandre, va savoir) :

“Mais ni dieu ni démon l’homme s’est égaré,
Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore,
Les naseaux écumants, les deux yeux révulsés,
Et les mains en avant pour tâter un décor
— D’ailleurs inexistant.“

C'est comme ça que je me suis fait avoir.

C'était écrit !