El Patcheviejo & El Vampiropiro
Par Franz Narbah le lundi, 18 février 2013, 18:32 - jeux, oulipo - Lien permanent
L'exercice consiste à choisir un poème célèbre et d'en faire une transposition moderne, tout en conservant métrique et musicalité.
Une option permettant de compliquer un peu le jeu était de devoir conserver le dernier mot de chaque vers.
J'ai pour ma part choisi EL DESDICHADO (Gérard de Nerval). J'en donne deux interprétations respectant successivement les deux contraintes.
J'ai mis à la fin l'original pour ceux qui ne le connaîtraient pas par cœur.
El Patcheviejo
Je suis le vénéneux, —le boeuf;— le rapiécé
Le crasseux Capitaine aux relents d'aïoli :
Un vieux tors'poil je porte, —et mon fute compissé
Sorte de lampion noir de Mantes-la-Jolie
Dans l'ennui du boulot, jamais je n'ai versé
L'effroi des plats de frites et l'amer veau bouilli
Les peurs qui faisaient tant à mes sens affolés
Et la bouteilles où chancre et cirrhose s'ennuient
Suis-je humour ou phallus ?…Perpignan ou Dijon ?
Montbrison bouge encor dans le sang de l'arêne
J'ai glissé dans la crotte où rage la murène…
Et j'ai commis l'erreur renversant la Lison
Déversant jour par jour sur son mont de Vénus
Les soupirs de l'absinthe et les vents de l'anus.
Gérard de Manvuça
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version avec dernier mot préservé :
El Vampiropiro
Je suis le caverneux, —le punk,— l'inconsolé,
Le sphinx de la bedaine par la gourde abolie :
Linceul en toile forte, — Belzebuth constellé
Exhibant orteils noirs comme Mélancolie
Dans la nuit Colombo, pleurnichard consolé
Je ne vois ni les flics ni frontière d'Italie
Les bas flirts m'entêtant moi rôdeur désolé,
Et l'assaut où le sang à la chose s'allie.
Suis-je discours ou fœtus ?… Trintignant ou Biron ?
Mon corps plonge essuyant les fessées de la reine
J'ai laissé dans la flotte des odeurs de syrène…
Et, j'ai deux fois trompeur, profané l'Achéron !
Croyant jour après jour rendre honneur à Orphée
Faisant le pitre au bal et grand charme à la fée
Gérald de Drakula
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EL DESDICHADO (l'original par Gérard de Nerval)
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.