Les six silhouettes sont là
Sur l'horizon zon zon
Elles se découpent comme des justiciers
Le contrejour ne dévoile pas leur sexe
Mais leur grande maigreur
Annonce des prophètes.

La première est une voix de caverne
Qui profère des sentences en silence
Dans lesquelles on perçoit toujours
Le mot toujours, jour jour
C'est le jeu qui la fait avancer

La seconde la suit au dixième de seconde
C'est un sac de questionnements divers
Faut-il aimer ses rêves, Eve Eve ?
Faut-il au contraire les détester comme le reste ?
Et comment se délester des paradoxes ?

La troisième n'a pas plus de visage que les autres
Elle semble glisser sur la ligne, digne
Aveugle, sourde, muette, insensible, cible, cible
Les pieds nus indifférents aux braises
Autour d'elle il y a l'aura d'une rumeur

La quatrième est de haute lignée
Bien que découpée de façon rigoureusement semblable
À ses sœurs, heures, heures
Elle possède l'indéniable apparence d'un berceau
Où dort, drapé de tendre, un enfant mort

La cinquième n'est là que pour attendre et guider la sixième
Elle tient la corde qui relie ces six soldats étranges
Toute affairée d'actions comprises d'elle seule
Des poussées, des tractions, han, han
Et tout cela dans l' immobilité.

La sixième est blessée, on la distingue mal
Ce qui frappe surtout, tout, tout
C'est qu'après elle ce sera fini
Après elle l'avenir sera passé
Et que finalement rien ne la distingue des cinq autres

Ces six silhouettes se meuvent
Longilignes et hiératiques
Autour de leurs frêles existences
Ce n'est que du vide, vite, vite
Retournons aux boues originelles.