Ce soir encore
L'ouverture du rideau
Dévoile silencieusement
Le trou noir de la salle.
On dirait qu’elle est vide.
On y voit luire aucun regard.
On y distingue pas de rumeur,
Pas une toux,
Pas un chuchotement ;
Encore moins de clameur.

Tout seul,
Aveuglé par la poursuite,
Je vois décliner la clarté de la rampe.
Ma vieille vielle à roue
Ma dernière vieille amie
Bien calée sur mes cuisses
Amorce son grincement
Son bourdon affolant
Qui attrape les ventres
Et déchire le silence
Il faut moudre le temps
Il faut coudre nos ans
Autour de moi tout est noir

Et ce soir
Je suis seul et je chante
Je hurle, je blasphème
Je braille, j'aboie, je gueule
J'invective, vocifère
C'est comme une tempête
Qui se déchaîne
Sur le fil lancinant
Murmuré et troublant
Du bourdon obsédant
Geignant comme un enfant

Loin, oin ; oin ; oin ; oin…

La scène est une plaine
Et ma voix écornée
Dans ma barbe poivrée
Je l'entends étrangère
Ne la reconnais pas
Et au lieu de chanter
Je me mets à penser
Aux nefs solitaires
Aux astronefs cuivrés
Aux sidéraux espaces
Aux astres égarés
Dans l'univers glacé

Je me suis arrêté :
Pas d'applaudissements.
Et pendant de temps là
Ils ont tout démonté
Le décor est plié
Plus de poursuite
Seulement la lune
Blême, comme chacun sait
Qui contemple le dernier homme
Demeuré sur la terre.
Et maintenant : où aller ?